La conscience remonte le temps

Scientifique pionnier dans le domaine de la conscience humaine, Benjamin Libet a mené une série d’expériences mettant à jour de surprenantes capacités de notre cerveau.

Nous sommes tous capables de remonter le temps : c’est après avoir fait une série d’expériences sur le cerveau que Benjamin Libet, grand expérimentaliste dans le domaine des neurosciences, a avancé cette hypothèse. Il a pratiqué ces expériences durant des opérations qui nécessitaient l’ouverture de la boîte crânienne. Les patients consentants acceptaient de subir de légers chocs électriques appliqués directement sur la zone à stimuler. Il a ainsi pu mettre à jour un curieux décalage entre les phénomènes neuronaux et la conscience subjective que nous avons des événements.

Pour cela, il a axé ses expériences sur une simple piqûre au doigt. Lorsque le bout du doigt est stimulé, il nous faut 25 ms pour nous en rendre compte. C’est une réaction quasi-instantanée. On se pique, et on le sent tout de suite. Pourtant, d’après les expériences de Libet, il faut au cerveau 500 ms pour élaborer une sensation consciente.

Comment dans ce cas, expliquer que la stimulation au doigt soit conscientisée seulement 25 ms après? Dans L’Esprit au-delà des neurones, Benjamin Libet note que la stimulation du cerveau doit être maintenue pendant un temps allant jusqu’à 0,5 seconde pour susciter une perception consciente. Or, « les sujets indiquent que la sensation leur apparaît subjectivement sans délai significatif », explique-t-il. Donc, tout se passe comme si les sujets n’avaient pas conscience du temps qu’il leur a fallu pour élaborer la sensation. Ils sentent immédiatement qu’ils se piquent, et non pas 0,5 seconde plus tard. Ils « situent inconsciemment et automatiquement le couplage de l’expérience sensorielle en arrière dans le temps » analyse Libet.

Benjamin Libet propose donc une solution qui paraît incroyable. Le temps d’élaboration de la sensation consciente est de 500 ms. « Mais quand cette élaboration est faite, la conscience antidate cette sensation en retournant en arrière dans le temps ! » souligne Jean Staune dans Notre existence a-t-elle un sens ? Autrement dit, « le cerveau mouline pour élaborer la sensation consciente. Quand celle-ci est prête, la conscience repart en arrière (..). » C’est pourquoi lorsqu’on se pique, on le sent au moment de la piqûre et non pas une demi-seconde après.

Pour Jean Staune, la seule conclusion logique d’une telle situation est qu’un retour en arrière dans le temps permet de synchroniser nos sensations avec les événements et que ce saut dans le temps est réel. Si la conscience peut l’accomplir facilement, c’est parce qu’elle n’est pas complètement immergée dans le monde physique, conclut-il. De quoi nous faire réfléchir sur le mystère du moment présent.

Crédit Photo : nejron


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